MICAR, pour réguler le marché crypto-actifs sur le marché européen

par | Nov 7, 2022 | Articles de blog, Non classé | 0 commentaires

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« Il ne s’agit pas de prédire la pluie, il s’agit de construire l’arche. »

Warren Buffet

À défaut d’arche, l’Union Européenne tente tant bien que mal de construire l’architecture de la future réglementation des cryptomonnaies. Au Québec, la cryptomonnaie est une « monnaie virtuelle utilisée pour des échanges de biens ou de services, de pair à pair, généralement de manière indépendante du système bancaire ou de toute politique monétaire, et dont l’émission et les transactions reposent sur la technologie des chaînes de blocs. » [1]

Face aux nombreux risques que posent les cryptos pour la souveraineté, le système financier et les consommateurs, la Commission européenne a proposé de réglementer le marché des crypto-actifs. Cette nouvelle réglementation nommée Markets in Crypto-Assets Regulations (MICAR) répond à l’effervescence du marché financier digital. Le gain continuel en popularité des devises monétaires numériques redéfinit les échanges commerciaux, engendrant la genèse de FinTech[2] innovantes et de fraudes colossales d’ampleur internationale. Après une dizaine d’années d’observation d’un écosystème naissant, tentant tant bien que mal de s’autoréguler en attendant des règles claires et uniformes, l’un des plus grands marchés intérieurs tente d’uniformiser ses règles. Les objectifs principaux de MICAR sont d’assurer la protection des consommateurs et de promouvoir l’innovation au sein du marché financier européen, tout en favorisant une concurrence saine et loyale.

Par le biais de MiCAR, l’UE tente d’imposer des obligations claires pour encadrer l’émission et la gestion des crypto actifs qui ne sont pas actuellement couverts par la réglementation en vigueur sur les services financiers. Le consensus généralisé est qu’un cadre réglementaire clair énonçant les droits et obligations des personnes de façon générique faciliterait l’obtention de financements institutionnels tout en augmentant la confiance du public envers les actifs numériques. Ainsi, il y aurait un plus grand roulement des actifs numériques et une activités accrue des consommateurs d’actifs numériques, ceci faciliterait l’émission de nouvelles crypto-monnaies ou jetons, ainsi que l’émergence d’entreprises innovantes offrant de nouveaux types d’opportunités et d’instruments de paiements pour les investisseurs et les consommateurs. Ultimement, la réglementation préviendrait ou sanctionnerait les offres publiques de crypto-actifs non conformes, les stratagèmes frauduleux (i.e. Terra Luna / Celsius), le blanchiment d’argent, ainsi que des pratiques illégales (i.e. le financement du terrorisme).

Additionnellement, MICAR entend proposer un régime pilote d’infrastructure pour les technologies de registres distribués (DLT)[3], dans le but de promouvoir le développement d’un marché secondaire permettant une plus grande exploitation des avantages potentiels du DLT. Les DLT sont des bases de données chiffrées et décentralisées, dont les blockchains font partie.

 

APPLICATION MICAR

MICAR s’applique aux crypto-actifs, incluant les stablecoins. Toutefois la réglementation exclut de son champ d’application les crypto–actifs qui ne sont pas échangeables et qui représentent un actif réel unique, tels que les NFTs[4]. Ainsi que les monnaies numériques des banques centrales (CBDC[5]) et les crypto-actifs présentant les mêmes caractéristiques que des produits ou instruments financiers existants déjà couverts par les règles de la MIFID[6], les banques centrales ou d’autres autorités publiques agissant dans le cadre de leurs fonctions et dans le respect de leurs droits.

Par ailleurs, la réglementation européenne distingue 3 sous-catégories de crypto actifs avec un cadre législatif qui devraient être soumis à des exigences particulières:

  1. Jetons utilitaires : ce type d’actif n’a pas une finalité financière. Au contraire, son utilisation est liée à l’exploitation d’une plateforme numérique offrant des biens et services.
  2. Jetons se référant à des actifs : ce type d’actif tend à maintenir une valeur supposément stable en se référant à des monnaies ayant cours légal, à des matières premières, à des crypto-actifs, ou à un mélange de ces actifs. Un peu à l’instar de fonds négociés en bourse répliquant la valeur d’un indice.
  3. Jetons de monnaie électronique : visent à maintenir une valeur stable liée à une monnaie fiduciaire, c’est-à-dire une monnaie ayant cours légal. Par exemple, un UDST équivaut à un dollar américain.

 

PERSONNES VISÉES PAR LA RÈGLEMENTATION

La réglementation s’appliquerait aux émetteurs de crypto-actifs[7]. Il existe deux catégories d’entités qui fournissent des services liés aux crypto-actifs. D’abord la première catégorie  vient réglementer par par MICAR s’applique à l’exploitation d’une plateforme de négociation de crypto-actifs, à échanger des crypto-actifs contre des monnaies fiat ayant cours légal ou d’autres crypto-actifs en négociant pour son compte propre, et à assurer, pour le compte de tiers, la conservation et l’administration de crypto-actifs ou le contrôle des moyens d’accéder à ces crypto-actifs. Ensuite, la deuxième catégorie s’adresse aux organes décisionnels (responsabilité civile en ce qui concerne les informations fournies au public au moyen du livre blanc) de services comprennant le placement de crypto-actifs, la réception ou la transmission d’ordres sur les crypto-actifs, l’exécution d’ordres sur crypto-actifs pour le compte de tiers et la fourniture de conseils en crypto-actifs.

Obligations pour les émetteurs de crypto-actifs

Sans rentrer dans les détails des nombreuses exceptions, pour émettre des crypto-actifs offerts au public ou admis sur une plateforme de négociation, il faut :

  • Avoir une entité juridique
  • Avoir rédigé un livre blanc contenant une description détaillée du projet, du type de crypto-actif offert, des raisons et modalités de l’offre, des droits et obligations attachées aux crypto-actifs, la technologie sous-jacente, des risques liés au projet, etc.
  • Avoir notifié ce livre blanc à l’autorité compétente
  • Avoir publié ce livre blanc
  • Respecter les obligations liées au comportement des émetteurs de crypto-actifs

 

POUVOIR DES AUTORITÉS COMPÉTENTES

Les autorités compétentes peuvent demander que des informations supplémentaires soient incluses dans le livre blanc[8] et, le cas échéant, dans les communications commerciales,  suite à une publication. Lorsqu’une offre au public ou une admission à la négociation ne respecte pas les exigences applicables, ils ont le pouvoir de suspendre ou d’interdire une offre publique de crypto-actifs ou l’admission de ces crypto-actifs à la négociation sur une plateforme de négociation de crypto-actifs. En ce sens, ils peuvent publier un avertissement indiquant qu’un émetteur n’a pas satisfait pas à aux exigences de MiCAR. Autrement, ils peuvent délivrer un visa pour permettre aux émetteurs de crypto d’opérer dans l’UE après la transmission d’un livre blanc.

 

En somme, le règlement MiCAR a pour objectif de donner des moyens aux autorités compétentes pour réguler les émissions et la négociation de crypto-actifs sur le marché européen, tout en harmonisant les règles des États-membres. MiCAR fait principalement peser des obligations sur les émetteurs de crypto-actifs ainsi que sur les entités permettant la négociation ou la garde de ces derniers. Les obligations changent selon la taille des personnes morales et le type de crypto-actifs concernés. Il est à noter que les banques centrales et les autorités publiques ne sont pas concernées par cette réglementation saluée par certains et décriée par d’autres.

 

7 novembre 2022

Article co-rédigé par Me Erwan Jonchères et Me Frédérique Turnier pour la Chronique CTI du Jeune Barreau de Montréal

 

[1] Voir la définition de crypto monnaie.

[2] Voir la définition de technologie financière.

[3] Voir la définition de technologies des registres distribués.

[4] Voir la définition de Jeton non fongible (NFT)

[5] Central Bank Digital Currency (CBDC)

[6] Markets in Financial Instruments Directive (2004/39/EC).

[7] Personne morale qui propose au public tout type de crypto-actifs ou demande l’admission de ces crypto-actifs sur une plateforme de négociation de crypto-actifs.

[8] Voir la définition de livre blanc.

 

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